Laissez moi vous conter une histoire dont les éléments d’intrigue (rien que ça) se sont dévoilés progressivement à moi lors d’une balade en vacances : Nous étions en Ardèche avec ma copine, en pleine balade à vélo sur la voie de l’ancien chemin de fer, lorsqu’on on a remarqué un ancien bâtiment désaffecté le long de la rivière que nous longions.
“On dirait un peu une usine abandonnée”
“Ca fait ghiblish, je trouve”
“Qu’est-ce qu’on pourrait faire, ici ?”
Un centre de soins, une usine de joaillerie, un centre d’expositions…
En tous cas, on s’est dit que le grand mur qui a les pieds dans l’eau, les fenêtres qui doivent offrir une belle vue, les différents étages, ça fait “Ghiblish”. (C’est-à-dire que ça nous rappelait l’univers des dessins animés du Studio Ghibli)
Même mood, je veux rien savoir.
Toujours à vélo, j’avais les pensées plongées dans le passé qu’avait du vivre cet endroit, et l’ancien chemin de fer qui a cédé sa place à l’actuelle Dolce Via. C’est très confortable de pédaler sur la pente douce conçue initialement pour laisser passer les lourdes locomotives à vapeur. Le travail pour la réaliser a du être titanesque.
A quoi ressemblait la vue depuis le train, pour les mécanos, comme pour les passagers ? Si j’en crois les écriteaux touristiques qui parsèment le chemin, ça a du être un changement social et culturel de fou de soudainement pouvoir voyager, d’autant plus ici où les routes sont sinueuses et les kilomètres semblent plus longs.
Quelques minutes plus tard, c’est un autre édifice qui me re-questionne : même type de bâtiment, qui ressemble quand même vachement aux descriptions des usines de la révolution industrielle que j’ai entendues dans le podcast éponyme.
Ma curiosité allait continuer de s’attiser au fur et à mesure qu’on dépassait de plus en plus de bâtiments du même style, qui avaient tous les mêmes caractéristiques :
- Au bord de l’eau d’un côté (pour l’énergie hydraulique) et d’une route de l’autre
- Assez long, assez haut : plusieurs étages, et toute une façade qui donne sur la rivière
- Construits en pierres de taille
- Grandes fenêtres pour avoir de la lumière dans les ateliers
En fait, j’ai fini par le comprendre, ces bâtisses hébergeaient en effet des usines de la révolution industrielle. Ça semble évident : par pitié, il y a même des cheminées en brique pour certains :
On s’est pressés pour ne pas rater la fermeture de notre magasin de vélos , et arriver à notre destination : le créateur de glaces Terre Adélice, dont le panel de parfums est aussi divers que délicieux.
C’est à ce moment que la connexion neuronale s’est faite : les locaux de Terre Adélice aussi, c’est une ostie d’ancienne usine !
Les panneaux explicatifs - remarqués alors que nous faisions la queue pour récupérer nos audacieux cornets (orange sanguine + piment d’espelette, et sésame noir + fleur d’oranger) - nous l’expliquent clairement.
Mais c’est bien sûr : On est en Ardèche, dans la (grande) région Lyonnaise. L’industrie, ici, c’était beaucoup le travail de la soie.
En l’occurrence, les locaux de Terre Adélice étaient anciennement un moulinage de soie : c’est à dire un atelier dans lequel on retord ensemble les fines fibres de soie pour en faire du fil utilisable.
Schéma explicatif extrait de l’Aide mémoire de technologie des tissus :
Le truc, c’est que l’industrie du textile, ça m’intéresse beaucoup : J’ai carrément commencé à me fabriquer un métier à tisser maison (sujet d’un article à venir).
Cet enchaînement de péripéties a été folle. Innocemment je me pensais sur une petite balade à vélo, mais en fait c’était visite de musée grandeur nature, pour terminer dans une ancienne usine textile.
Le top du top, c’est qu’à la boutique de souvenirs de cette usine de glaces, on vendait un livre au titre aguicheur :
“L’Ardèche et ses “fabriques à soie””
J’ai craqué sans trop d’effort, c’est un kif.
Me voilà donc propriétaire d’un livre sur le tissage (un de plus), et d’un souvenir de balade dont le théâtre fut - par mégarde - un ancien bassin industriel… Formidable journée.
Ce soir là, j’ai feuilleté le livre devant un poêle à bois rayonnant : autant vous dire que ces vacances se passaient bien.