Stage de tissage 2 : premiers fils tissés

Un réveil en douceur

Je me réveille dans mon gîte, avec une hâte d’aller enfin au stage de tissage. Je prends une douche en évitant des pieds les poils qui jonchent le sol de la salle de bain, et des yeux les moisissures des coins humides de la cabine de douche.

J’avais le choix, alors j’ai choisi la salle de bain du bas, en premier lieu pour l’absence de poussière et de crasse dans la douche, et puis pour le fait que sa fenêtre permet de suppléer la VMC dans la rude tâche de faire disparaître l’odeur d’humidité.

L’annonce ne mentait pas, il y a en effet une machine à café dans la cuisine, mais pas de capsules… Des pots de café solubles existent mais ne me font pas rêver.

L’appétit finalement pas si ouvert, je bois une gorgée d’eau de ma bouteille et j’enjambe mon vélo.

L’atelier

Une fois est coutume, j’arrive quelques minutes en retard, pour rejoindre les 2 autres élèves de la journée. Et là, c’est le coup de coeur instantané.

L'entrée de l'atelier

L'entrée est déjà spectaculaire

L’atelier de tissage de trouve dans les anciens locaux d’une entreprise de tissage, fermée en 2008.

Danielle nous fait visiter : On trouve dans les locaux une quarantaine de métiers (!!!), mais elle n’est pas certaine du chiffre exact. On aurait dit moi avec mes machines à écrire

Métier à tisser

L’entrepôt, à l’arrière du bâtiment, est rempli du sol au plafond de centaines de bobines de fils de mille déclinaisons différentes, achetées à prix cassés à des entreprises qui fermaient leur portes.

Enfin, après quelques explications, nous prenons place à nos métiers.

Mon poste de travail à l'atelier

Mon poste de travail

Ce sont des métiers à 4 cadres, ce qui permet de créer des tissus légèrement plus complexes que la toile classique.

Merci à Cornu, vers 1860, pour ces modèles de démonstration visibles au Musée des Arts et Métiers de Paris.

Livres

En parlant de livres de tissage, je mentionne celui de Paul Lamoitier.

Le livre de Paul Lamoitier sur le tissage

Le livre en question

Et là, Danielle fait quelques pas pour en sortir un exemplaire de sa bibliothèque : mon choix de lecture semble bon, si je lis les mêmes livres que Sensei !

Moi qui pensais que cet achat était une lubie, je me sens légitimé dans cette acquisition.

Elle m’en présente d’autres :

J’apprends que jusque les années 30, les gens qui apprenaient le tissage le faisaient dans un but professionnel : les ouvrages parus sont austères mais précis et riches en théorie.

Ensuite, un creux dans les éditions jusque dans les années 70, avec le mouvement hippie qui veut « retourner à la terre » et s’intéresse au tissage. La discipline (re)devient à la mode, et on voit paraître des livres plutôt destinés aux personnes qui en font leur loisir.

Quand je cherchais des livres à ce sujet, j’avais en effet remarqué cet effet, et j’étais déçu qu’il n’y ait pas de livres modernes qui rentrent dans le détail des méthodes de tissage : je sais maintenant pourquoi.

Et le tissage, alors ?

Et bah c’est un kif. J’adore manier les cadres à l’aide des manettes qui font shlak shlak à chaque mouvement.

Les mouvements répétitifs sont hyper méditatifs, tant bien que j’ai pas vu passer la première matinée.

“Hein il est déjà midi ?”

Comme il existe une infinité de combinaisons de fils, de tension, de serrage, d’ordre de pédales, de force sur le peigne, il faut faire des expériences pour en gagner.

On a donc tissé plein d’échantillons sur la même chaîne (les fils rouges, ici, qui sont installés dans le métier et entre lesquels on vient glisser la trame).

Explication chaîne et trame

Les fils de chaîne sont sur le métier, les fils de trame sont sur la navette.

En changeant tous les quelques centimètres de fil de trame (grosseur, texture, couleur), on obtient un tissu harlequin rempli d’échantillons différents.

Échantillons de tissage colorés

Et hop ! Transition

Je suis curieux, alors j’essaie des trucs, et ça rate un peu. En fin de journée, voyant que j’essaie de filouter avec l’ordre des cadres pour avoir un effet, notre prof me guide : je finis par comprendre comment faire du sergé, l’armure qui donne au tissu des lignes diagonales (comme les Jeans, par exemple).

Mais elle ne m’a pas dit comment faire, alors quand j’ai trouvé, j’étais aux anges. Mes petits rires gloussements de satisfaction semblent avoir amusé les autres élèves du stage.

Effets de couleurs

Je suis choqué par l’effet des couleurs dans le tissage, et particulièrement la différence entre la couleur du fil sur la bobine, et celle du même fil, une fois inséré dans un tissu, avec un fil d’une autre couleur.

Ce sont les mêmes verts. Encore plus choquant en vrai. (Croyez moi svp)

J’ai appris récemment l’existence de la « Loi du contraste simultané des couleurs », qui dit entre autres que l’on ne voit pas les couleurs pareil en fonction des couleurs qui les entourent. Wikipédia nous renseigne : « Il n’y a que deux couleurs sur le gris du fond ».

Il n'y a que deux couleurs sur le gris du fond

Voilà encore un pan entier du tissage que je sous-estimais : prévoir les illusions d’optique pour gérer la couleur de son tissu.

L’architecture roubaisienne est super

J’ai ragé sur Roubaix, et je dois dire ne pas être fan des odeurs d’égout qu’on rencontre trop souvent à mon goût, mais j’avoue être fan de son architecture.

Rue avec maisons ornées

Une rue normale et ses maisons ornées

Imagine tu vas à la conciergerie de l’hôpital et c’est ça :

Bâtiment impressionnant style industriel

'Oui bonjour, pour les appendicites c'est le 3e couloir à gauche'

Bâtiment industriel imposant

Mon Q.G. quand je serai un méchant de film. Je rejouterai des antennes paraboliques qui tournent sur le toit, en guise de dissuasion.

Il y a dans la ville des anciens ateliers et des usines partout : quand ils ne sont plus occupés par l’industrie d’origine, ces locaux deviennent des studios d’art, des ateliers mécanique, des ateliers de tissage…

Usine du quartier

Your random neighbourhood usine

La disparition de l’industrie locale semble avoir fait apparaître des opportunités d’avoir un espace pour plus petits créateurs. Moi qui adorerais avoir mon propre atelier, la réponse est toute simple : déménager à Roubaix.

Bâtiment industriel à vendre

Nice try, “Tostan et Laffineur Immobilier” parceque en soi, je VEUX ce bâtiment. Mais à Angers.